De la mission à une paroisse

La Communauté du Sacré-Cœur, Bâle

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De la « Mission » à la « Paroisse »

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Evolution d’un organisme au service des Catholiques français et francophones de Bâle.

Bref rappel historique

L’annexion de l’Alsace-Moselle à l’Empire allemand en 1871 provoqua le départ d’un nombre important d’habitants de ces régions vers

les départements limitrophes et vers la Suisse voisine, en particulier vers Bâle. Ces émigrants étaient souvent des jeunes gens désireux

d’échapper à l’enrôlement dans l’armée prussienne.

S’ils ne furent pas les premiers Français à s’établir dans ce pays -une certaine immigration s’étant manifestée tout au long du 19eme siècle -

ce furent cependant ces déracinés du dernier quart de siècle qui constituèrent à Bâle le premier noyau important de catholiques. S’y ajoutèrent progressivement des cheminots alsaciens venus à Bâle avec leurs familles pour travailler dans les chemins de fer d’Alsace-Lorraine (et bien plus tard à la S.N.C.F.), des Jurassiens, des Fribourgeois et des Valaisans.

Beaucoup de ces éléments ressentaient le besoin d’un enseignement religieux et d’une pastorale dans leur langue:

- leur premier objectif fut atteint le 18 octobre 1884 avec la fondation de la Société de l’Ecole Française de Bâle, l’école elle-même étant inaugurée

le 26. Elle permit d’assurer aux enfants français un minimum d’éducation primaire dans leur langue maternelle, même si l’enseignement se limita longtemps à des cours du soir.

- leur second objectif se matérialisa indirectement environ deux ans plus tard, sans doute sans leur participation active, quand l’abbé JOYE

arriva à Bâle.

 

Premières activités

En mai 1886 était consacrée l’église Sainte-Marie, alors filiale de l’église Sainte-Claire, et l’abbé JOYE était nommé vicaire de cette paroisse alémanique.

Ce prêtre de langue française accepta bientôt, en plus de son ministère à Sainte-Marie, d’assurer une fois par mois un sermon en langue française pour cette communauté déracinée de langue française ainsi que de donner dans leur langue des cours de catéchisme aux enfants de l’école française.

[L’abbé Joseph Alexis JOYE était né à Romont (FR) le 27avril 1852. Il fit ses études littéraires au gymnase de Fribourg, débuta son noviciat chez les Jésuites et fut ordonné prêtre en 1882.

En ce temps-là l’Église Catholique-Romaine n’était pas reconnue comme religion d’Etat (à l’inverse de celle des Réformés et des Catholiques-Chrétiens). Depuis 1873, mais surtout à partir de 1880 l’implacable « Kulturkampf », faisait aussi rage à Bâle, où il culmina avec la fermeture en septembre 1884 de l’école catholique privée du Hatstätterhof, au Lindenberg (1700 élèves durent se trouver du jour au lendemain une place dans les écoles publiques de la ville !) et l’interdiction aux Ordres et Congrégations d’enseigner.

Les Réformés redoutaient alors une augmentation rapide du nombre des catholiques sur Bâle, risque dans lequel ils voyaient poindre à l’horizon la suprématie du catholicisme et leur propre mise en minorité!

Il eut l’honneur de bénir le 24 décembre de cette année-là puis de consacrer le 23 mai 1886 la toute nouvelle église Sainte-Marie que les catholiques bâlois venaient d’ériger en réaction aux haines et aux persécutions de la part des anticléricaux et à leur refus de mettre à leur disposition la Barfüsserkirche, alors inutilisée.

Ce fut la toute première construction d’une église catholique à Bâle depuis le retour en 1798 de l’église Sainte-Claire au culte catholique.

Il fallut, dans ces circonstances, beaucoup de diplomatie et de ténacité à “Monsieur l’Abbé”, comme tout le monde se plaisait à l’appeler,

pour exercer son apostolat bâlois. Et pourtant Joseph JOYE y réussit au-delà de toute espérance, s’occupant tout particulièrement de l’éducation de la jeunesse catholique. Il fut l’inspirateur et le co-fondateur le 14 décembre 1897 du Vincentianum AG, société anonyme

(car la Congrégation des Jésuites était alors interdite à Bâle) qui acheta la propriété Byfangweg 8 (auquel s’ajoutera en 1899 Byfangweg 6) pour y installer son orphelinat de garçons. Il lança aussi le Cercle catholique de jeunesse du Grand-Bâle qui se réunissait au même endroit.

Le 30juillet 1908 l’orphelinat emménagea dans l’immeuble Socinstrasse 42 qui avait été acquis en 1907 et garda sa dénomination de Vincentianum. Les bâtiments du Byfangweg furent rebaptisés “Borromäum” en 1913.

La communauté catholique de Bâle lui doit en grande partie le renouveau de sa pratique religieuse. Sa voix forte et grave, la sensibilité

qu'il sut mettre dans ses sermons, son activité de confesseur, avaient conquis toutes les personnes qui l’avaient approché.

C’est sans doute grâce à ces mêmes ferments, dont il a dû imprégner les catholiques français et francophones de Bâle, que ceux-ci et leurs descendants eurent la volonté et le courage, I 7ans plus tard, de mûrir, eux aussi, un projet d’érection de leur propre église.

Pour plus de détails, consulter:

“Menschen beim Aufbau (Abbé Joye)”par J.B. Hubbuch, 1969

“Abbé Joye /Ein Leben fOr Jugend und Volk” Rex- Verlag Luzern, par Joseph Sauter, 1945]

De 1917 à 1919 les Pères oratoriens COURCOUX (futur évêque d’Orléans) et SANSON (futur prédicateur de Notre-Dame de Paris), dont l’Ordre

avait dû quitter la France à la suite de la séparation des Eglises et de l’État (législation Combes du 9 décembre 1905), assurèrent les services religieux et donnèrent un élan nouveau à l’enseignement religieux dans la colonie française et romande de Bâle. L’abbé Eugène BEAU PIN, futur directeur du Comité Catholique des Amitiés Françaises à l’Etranger, organisme basé à Paris, y prit également une certaine part. Mais leur retour

en France laissa cette communauté de langue française à nouveau orpheline.

La pastorale ne put reprendre qu’en 1926, encore que partiellement, grâce aux Pères SCHAFF et KELLER, dominicains détachés de Strasbourg,

qui venaient prêcher en français chaque premier dimanche du mois à l’église Sainte-Marie.

Pour remédier à cet état de fait quelques Français pratiquants se réunirent dès 1929 pour réfléchir aux moyens d’améliorer l’offre de service

religieux en français. Ils fondèrent à cet effet l’Association Jeanne d’Arc le 7juin 1932. Celle-ci se donnait pour objectif d’obtenir de l’Evêché de Bâle

la nomination d’un aumônier à plein temps en charge des nombreux Français et Francophones alors installés dans cette ville.

 

Naissance de la Mission

Une première étape fut franchie en octobre 1935 avec la reconnaissance, bien que provisoire, d’un poste de vicaire à plein temps par la Römisch-Katholische Gemeinde Basel (R.K.G.).

L’abbé Gaston BOILLAT qui, en septembre 1935, venait tout juste de prendre la relève du Père Gérard VIATTE, oratorien, parti pour raisons de santé après seulement 13 mois de ministère, devint tout naturellement le premier aumônier de la

“Mission catholique-romaine française de Bâle”

(1 novembre 1935). Il logera à la Birsigstrasse 2.

Dès le 26 avril 1 936 il était en mesure d’assurer chaque dimanche une messe basse avec sermon en français à la chapelle du Vincentianum, Socinstrasse 42, en plus du sermon donné en français à Sainte-Marie le premier dimanche du mois et à Saint-Antoine le quatrième.

À la suite des garanties financières apportées par l’Association Jeanne d’Arc, qui venait d’accepter officiellement le legs STOFFEL le 28 avril 1937, Mgr. von Streng convoquait l’abbé BOILLAT le 7 mai suivant à Bêle et lui confirmait que son poste d’aumônier, était définitivement créé. Il l’encourageait, en outre, à construire une chapelle de 300à 400 places avec une maison d’œuvres pour les sociétés.

Déjà en septembre 1935 la Mission naissante s’était lancée dans la location, dans l’immeuble Saint-Christophe, Rumelinbachweg 11 à Bâle, d’un bureau et d’un petit parloir au premier étage ainsi que d’une salle d’environ 70 places au rez-de-chaussée pour y abriter les cours de catéchisme

et les séances des trois sociétés paroissiales d’alors

- association Notre-Dame du Bon Conseil, fondée en novembre 1935 avec un effectif de 38 jeunes filles en 1936 (elle deviendra l’Association Notre- Dame de l’Annonciation vers décembre 1959)

- cercle Saint-Philippe, créé en février 1936 (15 jeunes gens)

- chœur d’hommes (20 membres) dirigé de 1946 à 1958 par René BERGER et transformé le 18 septembre 1958 en chœur mixte sous la direction de Jacques CHATTON afin d’en faire remonter les effectifs, tombés alors à 12 hommes.

L’assemblée générale de fondation de la Mission catholique-romaine française de Bêle se tint dans ces locaux le 3juin 1938 et le projet de statuts

fut approuvé après quelques amendements. Ils furent acceptés par Mgr. l’Evêque de Bâle et Lugano le 29 octobre de la même année.

Les locaux à Rumelinbachweg 11 seront conservés jusqu’à fin mars 1 949. Mais dès le 31juillet 1948 la Mission put acquérir pour Fr. 115’000.- l’immeuble de la Leonhardsstrasse 27 dont elle occupera à partir du premier octobre le rez-de-chaussée et deux caves, et louera les trois étages

(cet immeuble sera revendu le 8 avril 1953 pour Fr. 125’000.- afin de financer la construction de la chapelle sur le terrain de la Feierabendstrasse 66).

 

Entre-temps l’abbé BOILLAT avait obtenu de pouvoir célébrer, en plus des trois lieux de culte déjà cités, un premier office mensuel en français dans l’église du Saint-Esprit en novembre 1947.

Très tôt il avait créé une première cartothèque recensant ses paroissiens, ce qui lui permit de lancer le premier numéro du bulletin paroissial mensuel de la Mission en septembre 1937. Il sera tiré à 1350 exemplaires (1300 en 1948, 1’500 en 1953 et 1’800 en 1955). La première annonce officielle de la collecte pour le fonds de construction parut dans le Bulletin de novembre 1937.

Durant toutes ces années de son apostolat à Bâle il contribua de toute son énergie à alimenter le fonds de construction de la chapelle, que l’Association Jean ne d’Arc avait ouvert dès 1936.

A partir de septembre 1938 il partit chaque 2eme et 3eme dimanche du mois prêcher et quêter dans les paroisses du Jura pour la chapelle de “Notre-Dame de Lourdes” tant désirée. Et c’est ainsi que le 10août1940, quelque part dans les Franches-Montagnes il fut renversé à bicyclette par une vache (!). Ce stupide accident lui endommagea la colonne vertébrale, entraînant son hospitalisation et sa convalescence à Saignelégier et l’éloignant de sa chère Mission pendant trois mois. Les Capucins de Delémont assurèrent l’intérim. Il retrouva ses ouailles le 15 novembre 1940.

Par un vote de l’assemblée générale de la Mission du 18 juin 1951 l’abbé BOILLAT obtint de transformer l’intitulé de la Mission en

“Mission catholique-romaine de langue française de Bâle”.

 

Trois mois plus tard, le 12 septembre, plus de 600 paroissiens réunis dans la salle du Borromäum, prirent à regret congé de leur cher abbé qui venait d’être appelé par Mgr. l’Évêque de Bâle à continuer son apostolat comme aumônier des œuvres de jeunesse catholique du Jura, à Delémont (pour peu de temps, car dès le début de 1953 il sera en charge de la Mission Catholique Française de Lucerne).

Sur proposition de Mgr. Franz von Streng, l’abbé Jean-Paul HAAS, jésuite, et directeur de Caritas Genève, venait le remplacer comme ‘directeur”

de la Mission. Durant les deux premières années de son mandat il installa sa cure dans les locaux de la R.K.G., Holbeinstrasse 28 (où avait résidé l’abbé BOILLAT depuis 1949), puis, à partir de 1953, à la Feierabendstrasse 68.

Le grand projet de l’abbé HAAS durant ses premières années bâloises fut de pousser à la réalisation rapide de la construction de la chapelle.

Son premier vicaire, le Père Raymond BRECHET, jésuite, travailla intensément à ses côtés du premier février 1955 à fin septembre 1 957 à la récolte

des fonds nécessaires à cet objectif.

La proposition de l’abbé HAAS de dédier la future chapelle au Sacré-Cœur de Jésus fut entérinée par le comité de la Mission le 14 mars 1955.

L’église fut construite sur la parcelle de la Feierabendstrasse 66 et inaugurée le 10 mars 1956. Dès lors chaque dimanche trois messes en français

y étaient dites à 8.00 h, 10.00 h et 11.30 h. Elles remplacèrent l’office hebdomadaire du Vincentianum ainsi que les messes mensuelles à St.-Antoine, Ste-Marie, St.-Esprit,

Tous-les-Saints, St.-Joseph et Münchenstein-Neuewelt (les premières tentatives de messe dominicale le samedi soir se situent au printemps 1969).

Le 12 septembre 1959 l’abbé Jean-Pierre SCHALLER, de Porrentruy, venait se mettre au service de la Mission pour assurer, à intervalles plus ou moins réguliers, les confessions et le sermon dominical, collaboration qui perdure encore aujourd’hui.

Rapprochement avec la R.K.G.

L’assemblée générale du 5 avril 1967 donna son accord explicite à l’intégration de la Mission dans la R.K.G. Le débat interne entre opposants à l’intégration et protagonistes trouva alors sa conclusion après dix années de discussions et d’atermoiements.

Lors de son assemblée générale du 18 mai 1967 la R.K.G. accepta le principe de l’entrée de la Mission en son sein, décision entérinée par son assemblée générale extraordinaire tenue le 14décembre 1967 et que Mgr. Franz von Streng avait tenu à présider en personne en signe d’amitié envers la Mission, et cela juste avant de passer la main à son successeur (il décédera le 7 août 1970).

Au cours de cette même assemblée furent élus les deux délégués de la Mission dans la Vorsteherschaft de la R.K.G., Georges DUPLAIN, trésorier

de la Mission, et René PAUCHARD, président du Chœur mixte.

L’assemblée générale de la Mission, tenue le 21 octobre 1968, approuva les nouveaux statuts résultant de l’intégration de la Mission dans la R.K.G. Ils furent ensuite approuvés par Mgr. Antoine HÄNGGI, évêque de Bâle, le 7 mars 1969.

Dès lors la Mission devenait, en ses droits et ses devoirs, l’égale de toutes les autres paroisses alémaniques du canton de Bâle-Ville. La R.K.G. prenait en charge les salaires, les frais de fonctionnement, les hypothèques et dettes de la Mission, mais gérait, en contrepartie, son fonds de construction.

L’assemblée générale de la Mission du 28 avril 1969 élut son premier “Comité de paroisse” dont Georges DUPLAIN devint le président.

La même année était créée la “Commission pastorale” dirigée par Maurice ROUILLER.

 

De la R.K.G. à la R.K.K.

Après la consultation populaire des 1-3 décembre 1972 qui dégagea une majorité en faveur de la révision du paragraphe 19 de la Constitution cantonale (article relatif aux églises), le Conseil d’État du canton de Bâle-Ville donna son agrément au projet de Constitution et à l’ordonnance fiscale qui en découlait (impôt ecclésiastique obligatoire, alors que sous la R.K.G. il reposait sur une contribution volontaire).

De son côté l’Évêché de Bâle approuva le 28 novembre 1973 les articles de pastorale contenus dans le projet.

Finalement les 11-13 janvier 1974 les catholiques de Bâle approuvaient l’ensemble, ce qui permit de mettre sur pied une entité autonome de droit public, sans ingérence ni subsides de l’Etat. Une nouvelle administration, la Römisch-Katholische Kirche des Kantons Basel-Stadt (R.K.K.), remplaçait la défunte R.K.G.

De la “Mission“ à la “Paroisse”

La Mission fut alors érigée en “Paroisse canonique spéciale” sous le titre de

“Paroisse du Sacré-Cœur du Canton de Bâle- Ville”

et placée sous l’autorité de la R.K.K.

L’assemblée générale de la paroisse en approuva les statuts qui entrèrent en vigueur le 1er janvier 1975.

(Elchinger Robert, février 2003)